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« Voyage au bout de l'envers » de Frédéric Marinacce


En cette année 1955, Saïgon voit le départ des colons , et « toujours la même scène déchirante ou dérisoire : le dernier Pernod avant Bastia, dernier Martell avant Clermont-Ferrand, avant Vitré, avant de revoir Madame et le fiston restés au pays… l'adieu au boy. Les concubines pleuraient, les belles taxi-girls aguichaient les Américains, la relève était assurée dans le Sud Vietnam du doc lap, celui de la partition. »

Mais pourquoi Renée Sinibaldi et son fils Fabrice débarquent-ils ici et maintenant dans ce monde qui disparaît ? « Le rideau est tombé. Nous avons tout perdu ! »lui lance Le « flamboyant propriétaire du Continental et du Majestic, le chef du clan Corse ». Monsieur Francini est sur le départ, et regrette ce cher Paul, mort trop jeune il y a dix ans…Dans ce qui risquait de n'être qu'un récit de plus sur la nostalgie des petits blancs massacrés et foutus dehors par des indigènes ingrats, on perçoit très vite par d’ironiques tournures l'illusion du monde colonial . Ce petit monde qui avait déjà été broyé par les occupants japonais et les mafias nationalistes finissait sa vie dans la tragédie asiatique, ni plus ni moins, ni pire ni meilleur.

C'est ainsi que Frédéric Marinacce choisit dans une sorte de « recherche du temps perdu » de raconter ces destins brisés dans ces rêves d'empires illusoires. Et ce sera un petit garçon qui va nous faire revivre cette épopée familiale , au plus près de ces vies ballottées par l'Histoire, de ces personnages complexes aux deux visages, qui ne peuvent pas sortir indemnes de ce voyage au bout de l'enfer.

Comme dans un polar on va découvrir à travers cet enfant de dix ans ce que les adultes ne voient pas. Ce Fabrice qui deviendra écrivain dit-il « en raison des événements qui ont précédé ma naissance, mais dont le mystère demeure en moi. Je voyage à l'envers pour m'approcher «

Son oncle Venturi fera son éducation sentimentale et bien plus, des « courts de tennis du cercle sportif saïgonnais où quelques diplomates accablés par leur charge, se renvoyaient la balle » aux bordels sordides où échouent les taxi-girls de Saïgon. L’enfant voit le trouble que sa mère Renée provoque chez Alexandre Venturi, il les voit comme un couple de cinéma. L' écrivain y verra « l'incandescence des rescapés. Des nageurs échoués après le naufrage du vaisseau «

Le tragique côtoie la beauté et les personnages aventuriers construisent un récit qui nous tient en haleine jusqu'au bout, d'autant que l histoire se poursuit dans « fin de siècle à Saïgon » une saison deux qui tourne au roman d'espionnage du meilleur cru. A suivre…


VOYAGE AU BOUT DE L'ENVERS

Frédéric MARINACCE

Éditions KAILASH





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