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« Tempêtes et brouillards » de Caroline Dorka-Fenech

énième roman sur la filiation, la famille, la trahison, l’amour, la haine, le rejet, le doute, la douleur, le pardon ?


Parce que ces thèmes sont universels, qu’ils nourrissent et se nourrissent de l’imaginaire du romancier, parce qu’ils sont le reflet de notre époque où le repli sur soi incite à s’intéresser à ses racines, ses origines, et pour peu que pas mal d’années soient déjà derrière soi, ce repli sur soi incite aussi à revisiter avec amertume ou un peu de joie sa vie passée. Ces thèmes sont aujourd’hui triturés avec talent – ou pas – par les écrivains.


C’est ici avec talent, que Caroline Dorka-Fenechn nous entraîne dans son roman, d’amour.


Une sorte de roman d’amour.


Carina, la narratrice (et l’auteure), accepte mal le mariage de son père avec une femme aussi jeune qu’elle, au Maroc, où la loi impose la conversion à l’Islam à ce Français, d’origine catholique, mais athée qui souhaite épouser une marocaine.


Un père qui se dit irréprochable parce qu’il a élevé, seul, ses trois enfants, deux garçons et sa fille préférée Carina ; qu’il leur a donné à chacun une bonne éducation ; qu’il a payé les études ; entretenu, encouragé, bref, qui a assuré alors que sa femme, la mère, a quitté le domicile conjugal quand Carina avait six ans.


Pourquoi ce sentiment étrange qu’éprouve Carina ? N’est-elle pas tolérante ? Que lui importe la différence d’âge entre son père et Asma ? Que lui importe, même, que son père doive se convertir à l’Islam pour pouvoir vivre sa vie comme il l’entend ? Que lui importe encore, enfin quand même un peu, qu’elle et ses frères soient déshérités ?


Il y a autre chose. Et c’est l’objet du roman que je ne vais pas dévoiler. Je vous invite, comme moi, à entrer dans la tête de Carina, à sonder, à fouiller, à défricher, à souffrir, à espérer …

Je m’attarderai plutôt sur la construction du récit. Avec une double mise en abyme si l’on inclut l’auteure et la narratrice, apprentie écrivaine qui tente de terminer son roman dont l’histoire se résume ainsi : « C’était l’histoire d’un homme qui peinait à s’occuper de sa fille de six ans après la mort de son épouse … et aussi l’histoire de cette enfant, qui, délaissée, refusait de croire que sa mère était morte ... ». Carina griffe la page et se déchire dans sa double quête.

De nombreuses références littéraires judicieusement choisies parsèment l’ensemble. Ainsi le Roi Lear, auquel le titre du livre fait référence, pour son rôle de père, sa folie et son aveuglement dans sa relation avec ses filles ; ainsi L’étrange cas du docteur Jakyll et de Mr Hyde quand la voix si douce et si convaincante de Jean-Pierre Hernandez au téléphone trouble l’esprit de Carina, sa fille, et l’oblige à se souvenir. Ainsi encore, dans son désir secret d’être une « artiste », Carina la narratrice évoque l’écrivain américain Hubert Selby Jr. « Etre artiste n’exige pas grand-chose, juste tout ce que vous avez ».

Et puis, en filigrane, le Maroc et ses lois ancestrales « Au Maroc la loi désavantage beaucoup les femmes, les épouses n’héritent que d’un huitième des biens du mari, quelque chose comme ça. ».

Caroline Dorka-Fenech a publié son premier roman Rosa dolorosa en 2020 aux Editions de la Martinière, récompensé par six prix littéraires. Tempêtes et brouillards est son deuxième roman.


Tempêtes et brouillards de Caroline Dorka-Fenech - Editions de La Martinière - Janvier 2023




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