"Sourdes contrées" de Jean-Paul Goux
Dernière mise à jour : 28 févr. 2019
éd. Champ Vallon

Sourdes contrées, titre d’une beauté énigmatique qui a titillé ma curiosité et je suis tombée sur un poème de Supervielle et ses vers « Pâle soleil d’oubli, lune de la mémoire, Que draines-tu au fond de tes sourdes contrées ? » Il est bien question d’oubli, de mémoire, dans ce roman puissant qui explore les frontières mouvantes entre rêves et réalités. Au début, on entre dans les notes de Vivien, le narrateur, qui écrit à l’adresse de Julie, sa compagne architecte, pour témoigner de son trouble lorsque celle-ci évoque des souvenirs improbables de son enfance dont il n’a jamais entendu parler, qui n’ont pour lui aucune réalité, et qu’il met en doute. S’installe sournoisement le poison de troublantes confusions des impressions, des sensations, des images, des lieux, des années qui passent. Quelle est la réalité de nos souvenirs dès lors qu’ils sont aussi nourris de nos rêves et de nos rêveries ? Qui perd la mémoire, qui rêve, qui existe ? Le roman sonde ces questions teintées d’une mélancolie non dénuée d’ironie, dans une langue poétique, chargée d’une grande puissance évocatrice, dense, scandée, vibrante. Est-ce risqué d’avancer que la phrase de Jean-Paul Goux s’inscrit dans l’héritage de Marcel Proust et aussi de Julien Gracq ? on ose…