« Nomades » de Mona Azzam
Dernière mise à jour : 8 mars 2022

"C'est ma dernière nuit de nomade, ma dernière nuit ici dans cet espace vaste comme un mirage sans fin ".
Au moment précis où l'on découvre Adama, on perd cet "enfant Peul, venu au monde, minuscule au milieu de ces milliards de grains de sable ".On doit s'échapper avec lui vers l'inconnu comme l'a décidé sa mère "Toi Adama, tu iras à l'école, c'est ta liberté "
Cet arrachement à la mère, à sa tribu, à son désert, est comme un rite, mais d'une brutalité rare , puisqu'il rompt du même coup avec les valeurs même de ce peuple si fantasmé par l'occident. Ce désert que Hadji lui décrit comme "une force tranquille, doux et violent en même temps, prêt à tout "doit aussi être son modèle. "Soit comme le désert Adama "
Toute cette fiction sera le récit d'une contradiction que le Maktoub -la fatalité, le destin- ne peut résoudre, comme le dit en contrepoint Saint Exupéry "La vie se contredit tant ". Ces courtes citations d'écrivains aussi différents que Sylvain Tesson et Lao She, qui ponctuent chaque chapitre, sont comme une petite lumière, une invitation à méditer sur ce destin d'Adama, Peul et nomade, qui se propose rien de moins que d'inventer le nomadisme de l écriture.
Mais son chemin sera semé d'embûches. Le bon élève que sa mère avait réussi à envoyer, on ne sait par quel miracle à Abidjan, voit son destin brisé dès son retour à Bamako, son diplôme de Science Po en poche. Son frère, sans prendre de gants, à la manière des Peul, lui apprend à sa descente d'avion que la tribu à été décimée par les terroristes et ne lui laisse pas d'autre choix que de remplacer son père à la tête de ce qu'il reste du clan. Pour Adama,cette entrave à la liberté aura désormais un nom AQMI.
Par un retournement de l'histoire, sa liberté d'homme donnée par sa mère est aussi brisée, dans le désert par cette mère qui décide de le marier.
On peut y voir au-delà de la démystification des Peul et du désert, le combat éternel entre la tradition et la modernité., tout comme les difficultés d'un transclasse sauvé par l'écriture.
On laissera le dernier mot à Senghor "Seul le rythme provoque le court-circuit poétique et transforme le cuivre en or, la parole en verbe "