« Maritimes » de Sylvie Tanette
Dernière mise à jour : 28 avr.

C’est une histoire d’eau, de terre, de soleil et d’animaux marins, racontée par un vieil homme qui se souvient.
Peu importe le nom de l’île perdue, « une miette dans la Méditerranée"
suffisamment loin du continent pour échapper aux griffes du dictateur qui le tyrannise.
Cette fable marine, pétrie d’humanité, de respect, de liberté d’expression au sens propre puisque Benjamin, avec son « accent bizarre » a conquis les habitants de l’île, nous enveloppe d’une douce mélodie bienfaitrice.
Un matin un beau jeune homme « à l’allure de Dieu grec » descend du bateau-navire qui relie l’île au continent, pour ne plus repartir. Qui est-il ? D’où vient-il ? Un descendant d’émigré ? « C’est compliqué l’émigration. Ces hommes installés en Australie, en France ou aux États-Unis étaient nos frères, ils sont allés vivre ailleurs et ils ont écrit une histoire en parallèle de la nôtre.» Benjamin offre ses services aux pêcheurs, et à tous ceux à qui un petit coup de main facilite la vie. Il est vite intégré. L’important pour les îliens étant de continuer à protéger leur mode de vie, loin des vociférations officielles crachées sur le continent par des hommes de loi sans foi. Tous unis quand le bateau-navette amène des officiels avec qui il faut être polis, mais fermes. Ou quand de « drôles» de touristes, des étudiants, des scientifiques, débarquent avec caméra, appareil enregistreur, prompt à interviewer avant de repartir illico.
Et puis il y a les femmes. La vieille boulangère, les lavandières, la femme « cette merveilleuse épouse » qu’un pêcheur est allée chercher sur le continent, craintive, mutique, avec « de grands yeux sombres et d’épais cheveux noirs », et la petite Michaëla leur enfant, devenue « la plus belle jeune fille qui soit ».
Entre Benjamin et Michaëla une histoire d’amour s’invite. Lui, désormais logé dans une vieille maison abandonnée de l’autre côté de l’île, elle, qui le rejoint chaque jour en vélo …
Je n’en dis pas davantage. Je vous laisse vous perdre sur les sentiers de l’île.
Sachez juste que la forme du récit, la fable, ajoute à l’étrangeté du roman. Que les prota
gonistes ne sont pas seulement des humains ; il y a les mouettes indomptables, les cormorans solitaires, les chiens qui surgissent, les chats qui se faufilent, les phoques moines et les dauphins qui glissent entre les vagues …
J’ajoute encore que ce monologue intérieur du vieil homme, avec ses mots simples, est un puissant ressort romanesque.
L’île garde ses mystères, que je ne dévoilerai pas ici. Il faut conserver son âme d’enfant pour les percer. Ils sont très beaux. Peut-être les écouterez-vous ? Vous seriez les seuls, car « personne ne s’est jamais intéressé à ce que nous racontons. Sauf Benjamin ». Je vous engage vraiment à écouter le vieil homme.
Sylvie Tanette est l’auteure de deux romans dont Un jardin en Australie (Grasset 2019 – livre de poche 2020), Prix Rosine Perrier 2020.
« Maritimes » de Sylvie Tanette - Ed. Grasset - Septembre 2022