« Maritimes » de Sylvie Tanette

Nous sommes sur une petite île perdue, sans nom ni localisation - "une miette dans la Méditerranée" – et nous écoutons la voix d’un vieux pêcheur, lui aussi sans nom ni âge – "au moins trois mille ans" – nous conter l’histoire de l’île et de ses habitants. Une communauté de pêcheurs pour la plupart, de femmes et d’enfants qui vivent en harmonie totale avec la nature et la mer. Ils auraient de mystérieuses origines liées à des créatures maritimes mythiques. « Il y a des moments où la mer donne l’impression de vouloir communiquer avec nous, et d’autres fois où elle semble exactement ce que nous attendons d’elle. » Ils s’adonnent à leurs occupations quotidiennes, en paix avec eux-mêmes et à l’abri du fracas du monde, celui de la dictature qui sévit dans le continent d’en-face. Ils s’unissent dans la résistance non violente, sont bienveillants et hospitaliers pourvu qu’on ne vienne pas trop les déranger. Qu’ils repartent vite les touristes, les curieux, les chercheurs, les représentants de l’Administration ! Nous vivons en bonne entente avec les créatures maritimes, les animaux, les monstres des profondeurs, nous n’avons pas envie que les préfets, l’armée ou qui sait quel président se mêlent de nos affaires et nous ne nous mêlons pas des leurs. Pourtant, ils accueillent Benjamin, un jeune homme « à l’allure de dieu grec » qui débarque un jour dans leur vie. Impressionnés par sa beauté, ils ne le questionnent pas, un silence tacite et confiant s’installe entre eux. Une profonde amitié naît et il devient l’un des leurs. Jusqu’au jour où la haine et la violence s’abattent sur l’île et le passé rattrape le réfugié… Le vieux conteur évoque des lieux chargés d’histoire comme « Le voile de la mariée », une extrémité de l’île au-dessus de la falaise, ou encore le petit autel dédié à Sainte Michaëla (non reconnue par l’Eglise !) Un petit livre par l’épaisseur (115 pages) gorgé d’une densité lumineuse, un conte merveilleux et triste où les mythes rejoignent l’actualité. L’auteure a réussi à faire un portrait attachant de cette communauté d'îliens indomptables et dignes, rebelles sans agressivité, guidés par leurs croyances ancestrales, n’écoutant que leur bon sens. Elle trouve des mots simples pour dire notre rapport à l’autre et au monde, la beauté d’un paysage, la chaleur du soleil, la douceur du temps qui passe, l’amour entre deux êtres.
« Et le soir par nos cris déchirants nous tenterons de le rappeler à nos frères humains : celui qui ne sait pas sauver son prochain se perd lui-même. »
Sylvie Tanette, née à Marseille d'une famille d'origine italienne, vit à Paris. Elle est journaliste et critique littéraire. Maritimes, édité chez Grasset en 2022, est son troisièrme roman après Amalia Albanesi (Mercure de France) et Un jardin en Australie (Grasset).