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« Marina A » d'Eric Fottorino


Comme Paul Gachet, pas le médecin qui soigne Vincent Van Gogh, l'autre, le chirurgien-orthopédique qui soigne les enfants, je ne connaissais pas Marina Abramovic, performeuse Serbe, adepte du mouvement de l'art corporel, dont une exposition était programmée en 2018 à Florence, au Palazzo Strozzi. J'ai donc suivi Paul Gachet, au fil des pages, dans les rues de la ville en compagnie de sa femme Maud et de sa fille Lisa, et, comme lui, j'ai été perturbée par cette artiste hors normes. "C'est ce que je trouve qui me dit ce que je cherche" dit Pierre Soulages en avant-propos ; "Aucune explication n'était donnée, chacun devait trouver la sienne" répond en écho le narrateur.

Le récit s'étire sans beaucoup d'actions, d'intrigues ou même d'histoire, sur le thème de l'art contemporain avec des slogans parfois même un peu cliché "L'art ne doit pas être beau. Il doit avoir du sens. Ce n'est pas pareil". "Le besoin d'ouvrir les yeux autrement"... Mais ce thème est brillamment illustré par un auteur qui vibre avec son personnage, et c'est là tout l'intérêt du roman.

Tout comme Stendhal dans l'église de Santa Croce à Florence aussi, Paul Gachet éprouve une violente émotion esthétique devant la "présence immobile" du portrait de l'artiste Serbe affiché sur tous les supports publicitaires de la ville. Oubliés Botticelli, Michelangelo, David ! Son séjour sera exclusivement dicté par la rencontre avec l'étrange performeuse qui occupe ses pensées, même devant un "chocolat chaud crémeux".

Il est question de l'Art et de l'Autre dans ce livre. De l'Art contemporain et de sa façon brutale, ici, de réveiller l'Autre, c'est-à-dire vous, moi, Paul Gachet, de réveiller l'inhumanité qui sommeille en chacun de nous à travers les performances audacieuses et quasi suicidaires de Marina A. "Ils ont arraché mes vêtements ... ils m'ont enfoncé des épines de rose dans le ventre, ont pointé un pistolet sur ma tête. Ce travail me révélait ce qu'il y a de plus horrible chez les gens."

Et puis, mis en abyme, il y a les couples. Celui formé par Marina A et son ami Ulay, et celui formé par Paul Gachet et son épouse Maud. Séparés par une distance réelle ou fictive, se retrouveront-ils ?

Les symboles foisonnent dans ce livre ; la référence au film Suédois de Ruben Ostlund The Square - palme d'or à Cannes - par exemple ; où il est question de bienveillance, d'entraide, de marques d'attention finalement inexistantes entre êtres humains, occidentaux en tout cas.

Enfin, il y a la pandémie. Paul Gachet et sa famille sont partis à Florence à Noël 2018 ; deux ans plus tard, le virus bouleverse nos modes de vie. Il y avait les casques sur les oreilles de Lisa ; il y a maintenant les masques sur tous les visages. Il y avait les mutilations liées aux performances de Marina A, il y a maintenant les corps abîmés par la maladie.

Eric Fottorino nous pousse à la réflexion en posant des questions suscitées par les performances artistiques de Marina A ; à chacun d'essayer de trouver sa réponse.


Marina A - Eric Fottorino - Editions Gallimard - décembre 2020

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