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« Les Sacrifiés » de Sylvie Le Bihan


C'est un roman d'amour impossible qui naît en Andalousie, se perd dans la guerre civile espagnole et les brigades internationales , pour connaître son épilogue bien après la deuxième guerre mondiale à Paris. C'est un voyage où l'on côtoie Frédérico Garcia Lorca, comme le symbole de la tragédie de l'Espagne, entre les traditions mortifères des gitans et l'espoir d'une jeunesse flouée brisée par le fascisme.

Nous sommes en 1925, quand Juan Ortega, quitte son Andalousie natale en proie à la famine. Le garçon de 15 ans ne s’évade pas pour autant du monde de la tauromachie, et des redoutables taureaux Miura ; Il part pour devenir le cuisinier d'Ignacio, un célèbre torero, et cette rencontre va bouleverser sa vie le jour où il va découvrir « celle qui nourrissait tous les fantasmes de l'hacienda..cette danseuse de Flamenco qui avait ravi le cœur du maestro… En un regard, Juan tomba amoureux d'Encarnation.» Un monde s'ouvrait à lui, loin de l'austérité des gitanes, et de « ce peuple nomade, perdu, et ses fils chéris, peones sacrifiés, qui volaient dans les airs percés par des cornes noires, avant qu'un drap poussiéreux et taché de sang ne recouvre leur corps »

Dans son sillage, à Madrid , New York, et Paris, Juan va grandir dans l'effervescence des années folles; lui le petit gitan complexé, à la fois jaloux et admirateur de Frederico Garcia Lorca si proche d'Encarnation qu'il accompagnait au piano, partage aussi avec lui les douleurs de l'Andalousie. Élevé dans une famille de riches propriétaires le poète solaire avec ses « airs de dandy maniéré » s'était toujours senti proche du peuple et son « romanciero gitan » exprimait l’âme populaire, mieux que Juan pouvait le faire, même s'il etait pourtant le seul véritable représentant de la misère andalouse. Tous deux ressentaient pourtant une fêlure avec ce peuple qui était régi par les seules lois de la tradition ancestrale, malgré les grandes envolées artistes, Dali, Bunuel, Manuel de Falla ou Picasso , qui fantasmaient sur l’idée d'une culture populaire et d’une Espagne nouvelle.


Pourtant Garcia Lorca à force de dénoncer dans ces textes cette Espagne intolérante et fanatique, bien qu'il se défendit de faire de la politique en a été la première victime, en refusant d'admettre qu'il avait atteint un chemin de crête et surplombait l'abîme ». La violence, la bêtise, la grossièreté et les fascistes meurtriers feront disparaître la nature humaine comme l'a clamé Juan. Et Garcia Lorca comme tant d'autres n'auront même pas le temps de voir la République condamnée : « on a fait la guerre et la révolution en même temps, on était presque arrivé à faire comprendre au peuple que nous sommes plus forts ensemble" lancera Encarnacion, transformée en passionaria, le jour où les brigades internationales sont dissoutes. Juan qui avait joué aussi son rôle en leur livrant des armes en partie défectueuses reçoit le coup de grâce: « Même quand il voulait être un héros, il n'était qu'un raté »

C'est un roman initiatique où la fabrique d'un héros n’a pas forcément besoin de la guerre. Mais Juan se souvient-il de la philosophie d'Ignacio, le maestro qui avait arrêté de torérer et qui lui avait ouvert le monde: «Je sais simplement que chacun de nous oscille entre la douceur des rêves et les crocs de la réalité. »


LES SACRIFIÉS de SYLVIE LE BIHAN

Chez DENOËL

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