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« Les enfants Boetti » de Pierre Testard


"Entre Rome et Londres, avec des échappées à Naples et sur l’île imaginaire de Fumaro en Italie, Pierre Testard compose un puzzle de souvenirs épars, faisant dialoguer les époques et les lieux".

Il suffit de se laisser porter par la poésie qui se dégage de ce premier roman. Emboiter le pas du narrateur sur les chemins sinueux de la mémoire, entrer par effraction ou sur invitation dans les souvenirs d'enfance d'Ada, de son frère Angelo, de Patti et Sendro leurs parents, de la mystérieuse Lou, et de jouir du décor avec gourmandise. Se fondre dans l'anonymat des villes avec béatitude. "Je trouvais même dans le désœuvrement un semblant de tranquillité, je m'effaçais, sans ambition, dans l'ombre de ma silhouette et la cadence de mes pas."

Dans ce roman caléidoscope, ce puzzle composé de mille piécettes de la vie quotidienne, il y a les fenêtres. Celles aux volets fermés ; celles "aux persiennes vert bouteille presque toujours fermées" ; celle d'en face où "La lumière était allumée au 3ème étage et une silhouette très frêle tremblait derrière le rideau" ; celles qui laissent entendre les rires des enfants qui jouent dans la rue au football ou à la marelle ; celles qui distraient "on venait d'ouvrir des volets dans l'immeuble de l'autre côté de la rue", celles qui intriguent "J'avais installé mon fauteuil à bascule face à la baie vitrée, curieux de savoir ce qui se tramait dans la rue et aux fenêtres alentour", celles qui laissent le mystère grandir : "En voyant la lumière s'installer au 3e étage ... j'avais reconnu la même silhouette courbée aperçue la toute première nuit ... qui tremblait à nouveau dans la transparence des rideaux". Ces fenêtres que l'on peut observer sans s'engager, ouvrir ou fermer.

Et comme sur la palette d'un peintre, l'auteur a brouillé les couleurs du rêve et de la réalité, du jour et de la nuit, de l'intérieur apaisant des maisons et du tumulte de la rue. Il a mixé les odeurs de chair, de sang, de friture, de parmesan fondu avec celles de l'encens et de l'anis étoilé. Il a écouté le bruits des scooters, des aboiements, des airs de radio qui s'échappent des fenêtres (encore les fenêtres) ; des conversations. Il a suffoqué dans les ruelles et ressenti la fatigue à force d'arpenter les collines.

D'abord, je n'ai pas marché. Les premières pages m'ont déroutée. J'attendais qu'il se passe quelque chose, j'attendais une histoire plus construite. Avec les codes du roman : La situation initiale, les éléments perturbateurs, la résolution ... Et puis, au fil des pages, je me suis laissé emporter. Alors j'ai reculé. J'ai repris le récit à son début, et je ne me suis plus posé de questions, j'ai emboité le pas du narrateur, et avec lui, je suis entrée par effraction dans la mémoire des protagonistes. Je ne le regrette pas. Cette lecture m'a fait du bien. Comme certains films de David Lynch ou Christopher Nolan qui embrouillent mais ravissent.

Né en 1987, Pierre Testard vit à Berlin. Les enfants Boetti est son premier roman. Il est aussi traducteur.

Les enfants Boetti - Pierre Testard - Actes Sud - Février 2022


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