"La fille au Leica" de Helena Janeczek traduit par Marguerite Pozzoli
Dernière mise à jour : 21 févr. 2019

Helena Janeczek, née à Munich et vivant en Italie mais toujours polonaise au fond d’elle-même, s’attache au portrait et à la trajectoire de Gerda Taro, étoile filante, pionnière du photojournalisme, longtemps éclipsée par la renommée de Robert Capa, avec qui elle partagea sa vie, son engagement politique et son travail au milieu des années 1930. Gerda Taro, de son vrai nom Gerta Pohorylle, qui dut fuir à Paris auprès avoir été arrêtée à Leipzig : juive et communiste, c’était trop lourd à porter sous le joug nazi.
Le roman, construit en 3 parties, donne la parole à 3 témoins-clés, trouvant la dimension universelle d’une chronique littéraire, s’affranchissant des cadres de la chronologie historique : témoignages et regards de 3 narrateurs – Willy Chardack, médecin ami qui fut son amant, Ruth Cerf, l’amie de cœur journaliste et Georg Kuritzkes, militant communiste convaincu ami qui fut aussi son amant – Ces trois ont connu la jeune femme avant que celle-ci ne rencontre Capa, alors qu’ils étaient tous étudiants dans le bouillonnement culturel et politique des années 20 à Leipzig, Berlin puis dans l’exil parisien. Ce roman est ainsi la peinture d’une génération indépendante, cosmopolite, libre et courageuse d’où se dégage la personnalité d’une jeune femme hors du commun qui, malgré sa silhouette tout en finesse, sa condition de femme, la précarité de sa situation, a réussi à déplacer des montagnes, agissant selon ses propres envies, exerçant une fascination immédiate et durable sur ceux qui l’ont croisée. Remarquable enfin une langue nerveuse, pétillante, lumineuse au service d’une construction romanesque efficace – Gerda, la fille au Leica, Helena, la romancière au Leica. Ce roman a été récompensé par le Prix Strega 2018 équivalent italien du Prix Goncourt.