« L'imposture du marronnier » de Mariano Sabatini

Dans la lignée des romans italiens illustrant Rome comme cadre idéal d'histoires morbides, Mariano Sabatini met en scène la capitale italienne qui, loin de la splendeur de la "grande bellezza", sert de toile de fond à une histoire de pouvoir et de corruption où la violence éclate et règne sur les corps et les coeurs, contaminant les liens sociaux, publiques et privés.
Le lecteur plonge très vite dans le vif du sujet: le premier personnage, le commendatore, riche entrepreneur véreux de 80 ans qui brigue la mairie de Rome, passe au bout de quelques pages de vie à trépas à la vitesse d'une lame de couteau acérée. Une journaliste venue l'interviewer découvre le cadavre mutilé dans sa somptueuse villa. C'est alors qu'entre en scène un troisième personnage singulier, Leo Malinverno, "journaliste par vocation, séducteur par nature et détective malgré lui". C'est lui qui va mener l'enquête en fin limier, meilleur que les policiers avec qui il collabore. La tâche n'est pas simple, peut être dangereuse, tant la victime avait d'ennemis. Mais c'est sans compter avec la beauté, l'intelligence, la générosité, le tact de l'homme qui, de plus, est bon vivant et grand connaisseur de bonne cuisine. Le portrait est flatteur...mais définitivement très attachant. Il est évident que l'auteur éprouve de la sympathie pour ses personnages, même, et je dirais surtout, quand il dévoile leurs côtés moins alléchants, voire désagréables, leurs faiblesses et leurs vices. Le rythme soutenu des rebondissements tragiques et violents est entrecoupé de moments nostalgiques, de courts instants de bonheur. L'auteur nous entraîne à travers cette ville qu'il aime, décrivant ses quartiers riches et pauvres, sous une pluie diluvienne ajoutant encore à l'ambiance d'une puanteur malsaine et fangeuse. Leo y cherche à élucider les intrigues, non sans un sens aigu de la psychologie. Avec agilité et rigueur, ironie et légèreté, il déjoue les noeuds de mensonges et de secrets qui gangrènent la société romaine, un clin d'oeil au beau titre du livre - l'imposture du marronnier - arbre trompeur au fruit non comestible.
Le livre a obtenu le prestigieux prix Flaiano en 2017.
L'imposture du marronnier de Mariano Sabatini / Actes Sud
traduit par Marguerite Pozzoli