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« L'absolue perfection du crime » de Tanguy Viel


Un bon titre pour un très bon récit.


Le 3e roman de Tanguy Viel nous plonge dans l’atmosphère des films noirs de Jean-Pierre Melville à Edward Norton, où les héros sont de pauvres types fatigués dont on sait d’avance qu’ils ne s’en sortiront pas.

L’histoire est d’une banalité déconcertante. Des caïds de province décident la virée du siècle, la der des der, parce que les temps changent, parce que la « famille » c’est sacré mais bon Dieu que ça change vite ; parce que le braquage du casino va les mettre tous à l’abri du besoin pour toujours. Ce sera la nuit du 31 décembre, ont-ils décidé, enfin, Marin a décidé : « Il (l’oncle) a dit : l’idée n’est pas de moi, il a dit : l’idée est de Marin, mais je l’approuve. Marin, explique-leur. Et Marin nous a expliqué, Marin a pris son air de prêtre et il a exposé son idée : le casino, le nettoyage du casino, j’ai réfléchi en prison, ça nous remettrait à flot. » … « Si vous y parvenez, a repris l’oncle, si vous y parvenez, ce sera l’absolue perfection du crime ».


Pour y parvenir, la fine équipe s’adonne à ses rites : histoire de dessoûler elle arpente aux petits matins la rade déserte ou les quais d’une baie bretonne que la brume et la grisaille enveloppent cachant la ville portuaire ; se coltine chaque samedi la virée « familiale » en voiture au-delà de la corniche pour rendre visite à l’oncle tant qu’il vit encore ; écoute d’une oreille très distraite les recommandations de la tante et de Jeanne la femme de Marin si clairvoyante, et se méfie comme de l’an quarante du nouveau membre de la « famille » adopté du bout des lèvres, Lucho.


Le tableau de famille posé, je vous laisse découvrir le déroulé du cass le jour J, avec les péripéties qui vont avec. Je m’attarderai davantage sur la structure du roman et son style qui font la différence et qui sublime cette histoire de hold-up raté.


Le commentaire de Michel Abescat de Telerama en 4e de couverture donne le ton : « Construit au cordeau, en trois actes impeccables menés tambour battant, ce roman impressionne d’abord par sa virtuosité et son inventivité narratives. ». Il impressionne par le parti pris de l’auteur qui ajoute au suspense. En confiant au narrateur la tâche de raconter l’histoire à posteriori, mêlant le monologue intérieur et l’adresse directe à Marin en utilisant le « tu », l’auteur accroche le lecteur et l’embarque dans l’aventure. Et de conclure en beauté dans la dernière partie du roman, avec la course poursuite de deux loosers, véritable road-movie littéraire.

L’écriture est ciselée « Le jour J. L’après-midi chez moi. Le café toujours chaud. Ma tête dans le miroir. La sieste dans le fauteuil. A 14h00, j’ai allumé la télévision. A 15h00, je me suis rasé. A 16h00, je me suis installé dans le sommeil impossible. La solitude. Chacun pour lui-même en répétant pour lui-même la suite logique d’actions, pour lui-même. L’ennui qui précède, le froid sec, le ciel clair dans le bois des fenêtres... »


Ou teintée d’humour : « Tant qu’à faire, j’ai dit un soir, on n’a qu’à se déguiser en bagnards, on gagnera du temps. Mais ça n’a fait rire personne, ni moi au fond, quand j’avais lu encore sur le calendrier s’épuisant : J-2. »


Toujours juste et sans fioriture.


Un bon polar atypique qui m’a donné envie de lire d’autres livres de Tanguy Viel.


Tanguy Viel est né à Brest en 1973. Il a publié une douzaine d’ouvrages dont La Fille qu’on appelle paru aux Editions de Minuit en 2021.


« L'absolue perfection du crime » de Tanguy Viel - Éditions de Minuit - 2001

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