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« Colonne » d'Adrien Bosc


C'est le dernier livre de la trilogie d’Adrien Bosc qui s'intéresse cette fois aux anarchistes engagés dans les brigades internationales de la colonne Durutti. Simone Weil en est l'héroïne, la philosophe engagée, pas la femme politique qui n'avait que neuf ans en 1936. C'est le choix d'Adrien BOSC de faire revivre dans un roman un engagement impossible qu'incarne cette jeune femme d'à peine 30 ans confrontée aux questions essentielles du mal et de la violence.

Nous sommes au début de la guerre d'Espagne , en août, quand elle décide de partir se battre après avoir suivi un rassemblement de soutient aux républicains espagnols « Écrire penser, agir, sont une seule et même chose, on ne s'engage qu'en entier disait elle". On ne dispose que peu de documents sur cette période de la vie de Simone Weil :Un passeport, quelques notes sur un « journal d'Espagne", trente quatre feuillets, des lettres et des photographies en uniforme. Qu'importe, on entre dans ce roman comme on commence une aventure qui nous mènera beaucoup plus loin que le romantisme révolutionnaire des premiers tableaux. Ce sera sa force que de reconstituer l'essentiel de l’engagement de cette femme au terme d'une enquête qui dépasse largement sa seule personnalité , fût-elle exceptionnelle.


« L’aube éveille le fleuve, elle s’agenouille sur le talus et rampe jusqu'à la tranchée…L'air est doux. La lumière quoique faible est belle, dorée, légère. La plaine n'est plus qu'un nuage dodu avachi sur un bout de terre et il l'avale. Simone ne tremble pas, elle tient fermement son fusil". Ainsi commence le périple de celle qui rejoint comme journaliste la barque de ses nouveaux compagnons.

Pourtant dès son arrivée à Barcelone elle s’était faite cette réflexion, « il faut du temps pour se rendre compte que c'est la révolution, s'il n'y avait pas si peu de police et tant de gamins avec des fusils on ne remarquerait rien du tout. Rien n'est changé, effectivement, sauf une petite chose :LE pouvoir est au peuple …Et quand on donne à des gamins de dix-sept ans des fusils chargés au milieu d'une population désarmée….


Elle s'était jusqu'à présent nourrie des luttes ouvrières et de la ferveur de ces deux grands camarades engagés désormais dans les brigades contre les fascistes. « Ils se persuadaient qu'ils dépasseraient l'impasse propre à l'anarchisme : La nature contradictoire de la spontanéité de l'insurrection et de l'organisation du pouvoir « .

Simone était la dernière recrue dans ce groupe international formé de proscrits et d'idéalistes dont la vie traduisait la profondeur d'histoires emmêlées, une collision de destins rassemblés en une communauté provisoire » et son caractère bien trempé va agir « comme un révélateur…soit on la prenait en grippe soit Elle vous fascinait". C'est là le talent d'Adrien Bosc, de faire revivre au travers de ses personnages dans le chaos d'une guerre civile la réflexion sur la violence. « Pourquoi ce paysan a- t-il été fusillé alors qu'il écrivait à sa patronne qu’il se battait pour l'Espagne » ? s'interroge le camarade Ridel dans son journal, «Rien à ajouter à cet aspect de la comédie humaine que cet homme qui a été se faire tuer pour ceux qui vivent de sa crédulité et de son labeur ».

Nous sommes au cœur du livre , ce que Simone Weil documentait à ce moment précis, c'était le principe de la guerre juste- la pesanteur de la vie et cette tension vers la violence qui annulaient tout. Les exactions engageraient le mouvement -la réponse à la cruauté fasciste ferait basculer les troupes dans la terreur. Déjà sur le front, l'attrait des armes et la toute puissance qu'elle confère la terrifiait, cette crainte lue dans le regard des paysans et des villageois «

Simone Weil ne restera que 45 jours en Espagne , mais cet engagement a fait basculer sa vie, en témoigne cette lettre qu’elle écrit à Georges Bernanos, retrouvée seulement en 1948. Elle y raconte sa guerre d'Espagne et sa lecture des « Grands cimetières sous la lune » et témoigne de sa désillusion. « On part en volontaire, et on tombe dans une guerre de mercenaires avec beaucoup de cruauté en plus et le sens des égards dus à l'ennemi en moins. Vous êtes royaliste-que m'importe ? Vous m'êtes plus proche, que mes camarades des milices d'Aragon-ces camarades que pourtant j'aimais. »

Ce qui suit , ce sont « Des histoires », « Des exils où l'on découvre un hommage de Camus à Bernanos publié dans l’Algérie républicaine « monarchiste certes mais »il garde à la fois l'amour vrai du peuple et le dégoût des formes démocratiques. Il faut croire que cela peut se concilier Et dans tous les cas cet écrivain de race mérite le respect et la gratitude de tous les hommes libres. Je pense qu'il était nécessaire d'écrire cela dans un journal de gauche ». Vous trouverai aussi « Des lettres" et « Des enterrements »

c'est passionnant.


« Colonne » d'Adrien Bosc aux Editions Stock



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