« Cinq dans tes yeux » d’Hadrien Bels
Dernière mise à jour : 18 févr. 2021

Il parle du Panier à Marseille et j’entends la Pointe courte ou le Quartier Haut à Sète. Il parle des « Venants » et j’entends les « Charmants ». Il dit Kassim le Mahorais, Nordine l’Algérois, Ange le Toulonnais et je comprends Jeannot de la Pointe, Loulou du Quartier Haut, les Italiens, ceux de Gaète et ceux de Cetara, les Espagnols, les pieds-noirs, les Marocains et… les « Parisiens », c’est à dire tous les autres qui ne sont pas d’ici.
Il parle des années 90. On me raconte les années 50 et 60. Mais c’est bien le même phénomène. Les mêmes transformations. La même jeunesse qui s’est enfuie et les quartiers qui en ont fait les frais.
Le langage ? À Marseille, c’est un joyeux mélange d’arabe, de français, d’accent pied noir et de termes locaux. Ici, « on pensait parler le patois, c’était de l’occitan » qui s’est bien mélangé à l’italien, ça a fini en « setori » que plus personne ou presque ne comprend.
Que l’on soit de Marseille, de Sète, de la Croix-Rousse ou du Bas-Montreuil, « Cinq dans tes yeux » nous parle. De ces quartiers « réhabilités » où les gens du cru ne peuvent plus se loger : trop cher ! Où les rues se fardent de fresques colorées comme les putains de l’autre côté du pont se plâtraient la gueule autrefois. Où les bars à vin déversent leurs trentenaires, chignons sur le haut du crâne, pantalons feu-de-plancher et progéniture en bandoulière de lin, jusqu'au mitan des rues piétonnisées et végétalisées. Le verre de vin biodynamique à quatre euros… Bien loin de celui chapardé au cul des barriques sur le port, au nez et à la barbe des douaniers à vélo.
Faut-il pleurer, faut-il en rire ? chantait Ferrat…
« Cinq dans tes yeux », Hadrien Bels, éd. L’Iconoclaste.