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« Au plus beau pays du monde » de Tahar Ben Jelloun


Tahar Ben Jelloun est bien vivant. C'est-à-dire qu'il vieillit, qu'il prend de l'âge. Oui. Mais dans ce « bien vivant » on peut aussi entendre bon vivant. Car ce recueil de nouvelles est parfumé d'ivresses en tout genre, qu'elles soient érotiques, éthyliques ou oniriques. Et pourtant, l'auteur ne rêve pas, ou beaucoup moins qu'autrefois. Il se positionne au plus près de ce plus beau pays du monde dont il a déjà tant et tant parlé au fil de ses romans, nouvelles, poèmes et autres essais. D'ailleurs, les inconditionnels (et elles...) de L'enfant de sable ou de La nuit sacrée pourraient ne pas retrouver le Ben Jelloun qu'ils et elles affectionnent. Ce qui n'est pas mon cas. Ayant été moi-même séduit à l'époque par sa prose poétique, j'aurais pu néanmoins y trouver, avec une volonté critique peut-être excessive, une certaine complaisance. Rien de cela dans ce recueil. L'auteur prend de l'âge et le style s'épure. Il n'a plus besoin d'ornements. Les mots sont là pour dire, pour raconter, au plus des personnes, des saveurs, des sentiments. Et là où l'auteur se distingue, c'est dans sa manière de nous plonger dans ce Maroc d'aujourd'hui à travers des tranches de vie, d'amour et de mort, Des milieux mondains aux petites gens, des coupes de Champagne à la saveur inégalable de l'orange marocaine...

Ben Jelloun est bien vivant, oui. Et bien Marocain. Même s'il s'en est exilé, le Maroc, sa terre et ses gens vivent toujours et pour toujours au fond de lui. Bien au chaud. Et c'est pour cela qu'il en parle si bien. Parce qu'il est à la fois dehors et dedans. C'est ce qui lui permet - particulièrement dans ce livre et c'est ce qui est splendide – de mêler l'ironie à la tendresse. Une ironie féroce, pourtant, dont il n'épargne personne, ni lui-même d'ailleurs. Car certains personnages dont il relate la petitesse, la mesquinerie ou la faiblesse, pourraient bien lui ressembler, qu'ils soient hommes ou femmes. Oui, j'ai trouvé dans ce livre une part d'humilité dont l'auteur n'a pas coutume, ce qui est tout à son honneur. Et c'est aussi cela qui fait la tendresse. Et c'est ainsi qu'au fil de ma lecture de cet ouvrage, j'en ai peu à peu compris le titre : malgré tout (et ce « tout » comprend tout ce que l'écrivain a pu dénoncer tout au long de son œuvre de ce pays qui est aussi le sien) le Maroc est – quelque part, pour lui - le plus beau pays du monde. Seule une grande maturité autorise cela. Aimer avec tendresse celui ou celle que l'on trouve, à bien des égards, détestable. Au plus beau pays du monde de Tahar Ben Jelloun, Editions du Seuil – octobre 2002

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